Si vous deviez faire votre autoportrait, que diriez-vous de vous ?
Se définir en toute objectivité est un exercice hétéroclite qui revêt une certaine aisance pas toujours évidente.
Néanmoins, je me qualifierais de « femme à plusieurs chapeaux » si je vois ce que j’ai eu à endosser comme rôle tout au long de ma vie, des responsabilités que j’ai été fière d’assumer, aussi bien sur le plan professionnel, social que personnel.
Le parcours politique de votre père vous a amené à beaucoup voyager…”Les voyages forment la jeunesse” dit-on. Diriez-vous qu’ils ont constitué vous concernant un atout, pour votre future carrière, ou un handicap (manque d’attache etc.)?
Il faut que jeunesse se fasse et les voyages forment tout être, aiguise la perception du monde au travers des différents environnements et la capacité d’adaptation. Je puis affirmer que ce fut un atout important. Les fonctions occupées par feu mon Papa et qui nous ont conduits à travers le monde, étaient, sans aucun doute, les prémisses de mon éducation fonctionnelle et professionnelle.
Voyager étant une forme de richesse, j’ai eu, très jeune, l’opportunité de vivre, de côtoyer, d’observer et de grandir dans des milieux et environnements différents. Cela fut très bénéfique pour mes frères, mes sœurs et moi. Il est vrai que chaque séparation des personnes que nous rencontrions au fil des séjours, était très difficilement vécue. Cependant, ayant une grande fratrie, les liens se renforcent au point de considérer aujourd’hui mes frères et sœurs comme mes véritables amis.
À quelle carrière vous destiniez-vous à 18 ans?
À une carrière scientifique, rêvant depuis toute petite d’être médecin, pédiatre, pour prendre soin de la santé des enfants que j’aime beaucoup. Hélas. J’ai finalement suivi une tout autre voie pour plusieurs raisons, notamment familiales.
À quelle époque et dans quelle circonstance le monde de la diplomatie a-t-il croisé votre route ?
Les fonctions de mon Père m’ont permis de baigner dans un milieu diplomatique. Mes camarades de classe étaient pour la plupart des enfants des diplomates ou des hauts fonctionnaires internationaux. Les conversations dans le salon de mes parents portaient essentiellement sur la politique et sur les relations diplomatiques entre les pays. Ensuite, j’ai commencé ma carrière à la Présidence de la République gabonaise sous l’autorité directe de feu Monsieur le Président Omar BONGO que j’ai côtoyé vingt-deux ans durant, sans discontinuer. Il était considéré comme un grand diplomate. Je ne pouvais pas rêver meilleur mentor.
Par quel chemin, détourné ou pas, êtes vous devenue Ambassadeur ?
Mon chemin n’a connu aucuns détours pour arriver à ces fonctions d’Ambassadeur. Après 25 ans à la Présidence de la République gabonaise (de 1987 à 2012) en tant que Conseiller et Directeur de Cabinet adjoint du Président de la République, et 8 ans dans la haute administration en qualité de Secrétaire générale de ministère, j’ai été appelée un soir de 2020 par le Ministre des Affaires étrangères me demandant mon curriculum vitae sans m’en préciser la raison. Je me suis présentée le lendemain à son cabinet pour m’entendre dire que j’étais pressentie pour être Ambassadeur du Gabon en France. Dans un premier temps, j’ai décliné cette proposition ayant d’autres projets à l’époque, ce à quoi, le Président de la République m’a fait répondre que je ne pouvais pas refuser, et que, selon lui, j’étais la meilleure candidate à ce poste. Dès lors, je me suis entièrement investie dans la réussite de ma mission.
Comment avez-vous vécu votre nomination ?
Un honneur et un défi, certainement. Durant tout mon parcours professionnel, je ne me suis jamais sentie en concurrence avec les hommes et je considère que les hommes et les femmes ont des capacités identiques même s’il faut que la société évolue encore pour permettre à plus de femmes d’accéder à des postes de responsabilité. Il faut tout de même reconnaître que le Gabon est en avance dans ce domaine par rapport à beaucoup d’autres pays africains. Cela étant, j’espère que mon exemple sera utile à d’autres femmes pour qu’elles aient davantage confiance en elles et qu’elles n’hésitent pas à candidater pour des postes à plus fortes responsabilités.
L’entreprenariat, la cause des femmes, les défis environnementaux, et la transition écologique sont quatre dossiers qui vous tiennent à cœur…
* L’entreprenariat est tout d’abord une passion et symbolise pour moi, la liberté. Mon dernier diplôme universitaire, est le « Master in Business Administration » (MBA) obtenu de l’UQAM (Canada) en vue de me préparer à l’entreprenariat. Cette passion provient de mes différents passe-temps/hobbies des week-ends, qui, au fil du temps, ont donné naissance à des projets réussis à Libreville. D’où mon besoin sans cesse de pousser et d’accompagner les jeunes dans l’entreprenariat qui est l’un des meilleures manières de réussir le développement d’un pays. C’est à cette passion que je souhaiterais entièrement me consacrer pour les dernières années de ma vie active.
* La cause des femmes est au niveau de la place que nos sociétés africaines leur ont réservée jusqu’à ces dernières décennies. C’est-à-dire, inégale selon les pays. Comme indiqué précédemment, le Gabon est en avance sur ce sujet mais il reste encore beaucoup à faire. J’ai longtemps défendu cette cause au sein d’associations qui aidaient les femmes, notamment dans la lutte contre les grossesses précoces qui sont des freins à la carrière des jeunes femmes; le harcèlement sexuel en milieux scolaires et professionnels; la discrimination à l’embauche; la violence et la spoliation des veuves, sont des sujets qui me révoltent et qui imposent un engagement plus important et ferme pour le développement social de nos pays.
* Les défis environnementaux appartenant à un pays riche en ressources, aussi bien fossiles, végétales que minérales, les questions de l’environnement et sa préservation constituent un sujet majeur pour notre continent en particulier. Aujourd’hui, la planète entière fait face à des défis environnementaux considérables. En Afrique, le défi est de veiller à la préservation de notre écosystème forestier encore intacte. Ceci passe par la sensibilisation notamment des plus jeunes.
* La transition écologique implique le développement des énergies renouvelables, la protection de l’environnement incluant les espaces naturels et notre manière de concevoir l’urbanisation et les infrastructures. Construire et mettre en place des réalisations éco-responsables, par exemple.
Le Gabon vit aujourd’hui en grande partie grâce à ses ressources pétrolières. Le développement des énergies renouvelables aura forcément un impact financier pour notre pays mais c’est également une opportunité car le Gabon dispose d’atouts indéniables dans les domaines de la forêt, de l’écotourisme et de l’agriculture.
N’oublions pas qu’il fait partie du « Bassin du Congo », région du monde considérée comme le deuxième poumon de la planète. Pour cette raison, nous avons des responsabilités «planétaires ». A nous de les assumer tout en transformant ces responsabilités en atouts économiques, en investissant intelligemment sur le long terme.
Cmment décririez 24H d’une journée d’Ambassadeur, côté cour et côté jardin…?
Ce sont les 24 heures préparées à l’avance si on les veut réussies même si nous faisons régulièrement face aux imprévus. Mes tâches du lendemain sont inscrites la veille dans un bloque notes. Très matinale de nature, mes journées commencent par la prière, suivie des exercices physiques, deux ingrédients majeurs pour créer de bonnes vibrations et éviter de passer à côté de ma journée. Globalement, j’ai toujours 4 à 5 séances de travail à l’Ambassade ou à l’extérieur ; une ou deux visio-conférences ; des courriels ; de nombreux parapheurs qui m’accompagnent quelquefois à la maison.